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La résilience des agriculteurs du Grand Est face à la Covid : des leçons pour les crises futures

Publié le 2 septembre 2024 Mis à jour le 2 septembre 2024
Date(s)

le 2 septembre 2024

Les agriculteurs de la région Grand Est ont démontré une résilience remarquable face à la crise de la Covid-19. La Chaire « Transitions des territoires agricoles » de l’Université de Technologie de Troyes (UTT), en collaboration avec ses partenaires, vient de publier les résultats d’une étude menée dans le cadre du projet REAACC (Résilience des systèmes Agricoles et Alimentaires : Compréhension, Co-construction vers une soutenabilité renforcée). Cette étude, réalisée entre 2021 et 2023, a identifié les facteurs clés permettant aux systèmes agricoles et alimentaires de la région Grand Est de résister aux chocs de la Covid et d'en tirer des enseignements précieux pour l'avenir.

L’étude a permis d’identifier les solutions mises en œuvre qui pourraient être appliquées lors de prochaines crises et qui permettent de renforcer la résilience des systèmes agricoles et alimentaires. L’étude a ainsi mis en lumière le rôle crucial de la cohésion sociale et des relations préexistantes entre les acteurs et l’importance de la diversification des débouchés commerciaux pour résister à la crise.

L’étude a été conduite par une équipe interdisciplinaire dans quatre territoires contrastés de la région Grand Est : Rhin Vignoble Grand Ballon, Pays de la Déodatie, Seine en Plaine Champenoise et Terres de Lorraine. La méthode utilisée incluait des analyses de la littérature, des entretiens avec 34 acteurs clés, et des ateliers participatifs, regroupant 58 participants, pour co-construire l’analyse de la résilience des territoires, face aux perturbations en lien avec la COVID-19, mais également face à d’autres perturbations en cours et à venir, et identifier des actions de renforcement des caractéristiques de résilience.
 

Caractéristiques de résilience

La pandémie de la Covid-19 a provoqué des bouleversements majeurs sur les marchés alimentaires, entraînant des ajustements rapides et significatifs dans la demande et les habitudes de consommation. La capacité des systèmes agricoles et alimentaires du Grand Est à faire face à cette crise a dépendu non seulement des actions immédiates prises lors de l'apparition de la pandémie, mais aussi des dynamiques préexistantes. Les stratégies pour renforcer la résilience ont varié selon les territoires étudiés ; cependant, plusieurs facteurs ont contribué à la résilience des agriculteurs du Grand Est de manière générale :
 
  1. Cohésion sociale et solidarité : La solidarité entre les producteurs et les consommateurs, souvent renforcée par des initiatives locales telles que les projets alimentaires territoriaux et les paniers de produits locaux, a joué un rôle crucial. Par exemple, l’existence de plateformes pour les circuits de proximité a favorisé une distribution directe et rapide des produits.
  2. Diversification des modes de commercialisation : Face à la fermeture de certains débouchés comme la restauration hors-domicile, les agriculteurs ont réorienté leurs produits vers la grande distribution et les marchés de producteurs, facilitant ainsi de nouveaux accords commerciaux. Cette flexibilité a préservé leurs revenus et maintenu un flux d'approvisionnement constant.
  3. Adaptation des pratiques : Certains agriculteurs ont opté, par exemple, pour des solutions créatives comme la transformation du lait en fromage à pâte pressée cuite pour prolonger la durée de conservation des produits laitiers. Cette stratégie de stockage alternatif a permis de réduire les pertes mais n’a été rendue possible que parce que les producteurs disposaient des compétences, infrastructures et réseaux nécessaires.
  4. Soutien communautaire et collaboration : Une gouvernance diversifiée a facilité la coordination des actions et des ressources, permettant une réponse rapide et efficace aux défis posés par la crise. Par exemple, La “task force COVID-19” au niveau régional, piloté par le président de région et la préfète est une sorte de cellule de crise mise en place de manière temporaire qui a réuni divers acteurs privés et publics afin d’apporter des réponses concrètes à des problématiques en lien avec la crise COVID, telles que l’achat groupé de vaccins ou encore l’acheminement de main d’œuvre pour les besoins agricoles.

Leçons tirées et préparation aux crises futures

Les agriculteurs du Grand Est ont appris de la crise Covid-19. Ils ont renforcé leur résilience en leurs pratiques et notamment leurs modes de vente. Les circuits courts et les initiatives locales ont assuré un approvisionnement stable en période de crise. Le soutien des collectivités locales et la coordination entre secteurs public et privé ont été cruciaux pour renforcer la résilience en vue des défis futurs, tels que :
  • Crises climatiques : adaptation aux changements climatiques, y compris les événements météorologiques extrêmes et les modifications des cycles de croissance.
  • Perturbations économiques : fluctuations des prix des produits agricoles et des intrants, ainsi que les crises économiques mondiales.
  • Problèmes sanitaires : nouvelles pandémies ou épidémies animales affectant les productions agricoles.
  • Conflits géopolitiques : Instabilité politique ou conflits ayant un impact sur les chaînes d'approvisionnement et les échanges commerciaux.

Conclusion : préparer la résilience face aux crises exige un effort collectif

Les territoires adoptent différentes stratégies de diversification, mises en œuvre par différents acteurs, pour maintenir et renforcer leur autonomie économique et financière. Cette autonomie est essentielle pour la résilience des systèmes, mais elle n'est pas suffisante à elle seule. Certaines stratégies, comme le fonctionnement à flux tendu ou la multiplication des rôles des agriculteurs, peuvent rendre le système plus vulnérable et compliquer la transmission des exploitations.

Par ailleurs, les caractéristiques de résilience, en raison de leur diversité, ne peuvent pas être portées par un seul type d’acteur. Leur renforcement et leur maintien doivent être coordonnés et partagés entre les acteurs des filières, les producteurs et les institutions. Les plateformes d’échange jouent un rôle décisif pour établir et mettre en œuvre des visions communes.

"Les résultats du projet REAACC soulignent la nécessité de renforcer et de maintenir les caractéristiques de résilience des systèmes agricoles et alimentaires par une coordination et une collaboration étroite entre les acteurs des filières, les producteurs et les institutions. Les espaces d’échange et de coordination sont cruciaux pour prioriser et opérationnaliser des visions communes", conclut Sabrina Dermine-Brullot, titulaire de la Chaire "Transitions des territoires agricoles" de l’UTT.
 

Le financement et sa réalisation

Ce projet, mené de mai 2021 à février 2023 par la Chaire « Transitions des territoires agricoles », a été réalisé grâce au soutien de l’Agence Nationale de la Recherche, de la Région Grand Est, et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Il a été porté par différents organismes de recherche dont l’Université de Technologie de Troyes, l’École Nationale Supérieure en Agronomie et Industries Alimentaires de Nancy, l’AgroParisTech et les centre de recherche de Colmar et Mirecourt d’INRAE.

A propos de la Chaire "Transitions des territoires agricoles"https://chairetta.fr/
mise à jour le 02 septembre 2024